
La mise en place de la taxe carbone aux frontières par l’Union européenne suscite des préoccupations quant à son impact sur la compétitivité des économies européennes. Bien qu’introduite pour protéger les efforts de verdissement des industries européennes, cette mesure risque de rendre les produits européens moins compétitifs sur le marché mondial. Selon le rapport Pisani-Ferry, le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), approuvé par le Parlement européen en avril, présente des lacunes qui limitent son efficacité pour traiter la question de la compétitivité. De plus, l’Initiative pour le Renouveau de l’Amérique (IRA), le plan américain de subvention des produits respectueux de l’environnement fabriqués aux États-Unis, met également en péril l’objectif européen de réindustrialisation.
Le MACF et les problèmes de compétitivité
Le MACF vise à maintenir des conditions de concurrence équitables en obligeant les importateurs à se conformer aux prix du carbone européen. Les importateurs de certains produits, tels que l’acier chinois ou le ciment turc, devront déclarer les émissions liées à leur processus de production. S’ils dépassent les normes européennes, ces importateurs devront acheter des certificats d’émission au prix du CO2 dans l’Union européenne. Si le pays de production dispose d’un marché de carbone avec un prix moins élevé, l’importateur devra payer la différence. L’objectif est de préserver la compétitivité des produits soumis à la taxe carbone sans nuire aux industries européennes.
Cependant, le rapport Pisani-Ferry souligne que le MACF est imparfait et ne traite pas pleinement la question de la compétitivité. Il met en évidence l’IRA américaine qui subventionne les produits respectueux de l’environnement fabriqués aux États-Unis, créant ainsi une distorsion de concurrence pour les exportateurs européens. Cette situation compromet le pari industriel européen et menace l’objectif de réindustrialisation du continent.
Menace sur la réindustrialisation européenne
En plus de créer des distorsions de concurrence, le MACF risque d’aggraver les problèmes de compétitivité pour les fabricants européens. Alors que le mécanisme sera mis en place progressivement entre 2026 et 2034, les produits soumis aux quotas d’émission et fabriqués en Europe deviendront plus chers et moins compétitifs par rapport à ceux fabriqués ailleurs. Par exemple, une voiture fabriquée en Chine avec de l’acier chinois ne sera pas soumise à un surcoût lié au contenu en carbone, contrairement à une voiture fabriquée dans l’UE avec de l’acier européen. Cette situation mettrait une pression financière sur les utilisateurs européens plutôt que sur les importateurs chinois ou turcs.
Une étude de l’institut Rexecode estime que la suppression des quotas d’émission gratuits aura un impact financier significatif sur les entreprises européennes, avec une dégradation des comptes d’exploitation d’environ 45 milliards d’euros par an au niveau européen et 4 milliards d’euros en France. Ces chiffres soulignent les défis auxquels l’industrie européenne sera confrontée dans son processus de réindustrialisation.
Malgré ses imperfections, le MACF est considéré comme un pas dans la bonne direction pour l’Union européenne. Cependant, les préoccupations concernant l’impact sur la compétitivité européenne et l’IRA américaine persistent. Il est crucial que les décideurs politiques européens trouvent un équilibre entre la protection de l’environnement et la préservation de la compétitivité des industries européennes. Une coordination internationale et des initiatives conjointes pour lutter contre le changement climatique seraient également nécessaires pour éviter les distorsions de concurrence et favoriser une transition économique plus équitable et durable.